Feng Shanyun 冯山云 est né en 1949 dans le hameau de Fengjia yao 冯家峣, dans le district de Yanchuan 延川, province du Shaanxi. Ce village est situé à plusieurs heures de marche de Yanchuan capitale du district par des petites routes de montagne peu carrossables.
Village de Fengjia yao, district de Yanchuan, Shaanxi. ©bodolec
Il est issu d’une famille de paysans pauvres mais a pu suivre une scolarité régulière jusqu’au premier cycle de l’école secondaire. De retour au village, il travaillera la terre pendant plusieurs années avant de devenir chef de l’équipe de production shengchan duichang生产队长 du village à la fin des années 1970 puis enseignant dans l’école du village gérée par la population banmin jiaoshi 办民教师.
En 1980, il commence à apprendre seul la technique de la gravure sur bois banhua 版画 qui lui permet de raconter la vie quotidienne dans la campagne du Shaanxi et d’exprimer son profond attachement au monde rural. Un atelier de travail dans son village organisé par le centre culturel de Yan’an lui fait rencontrer Jin Zhilin 靳之林, responsable de la section Beaux-arts. Celui-ci l’encourage à persévérer et à participer à des expositions. Jin Zhilin bientôt nommé professeur d’art populaire à l’Institut des Beaux-arts à Pékin 中国美术学院 restera un soutien constant de l’œuvre de Feng Shanyun.
En 1982, Feng Shanyun obtient le second prix lors l’exposition d’œuvres artistiques du Shaanxi 陕西省美术作品展览 qui a lieu à Xi’an avec sa gravure intitulée 枣林曲 « Chant de la forêt de jujubiers ». En 1984, cette même œuvre est sélectionnée pour participer à la Sixième Exposition Nationale d’Art 第六届全国美术作品展.
En 1986, il quitte son village natal pour occuper un poste au Centre Culturel de Yongping 永平, ville dépendant de Yanchuan puis à la fin des années 1980, il s’installe dans la capitale du district Yanchuan 延川. Cette même année, il organise la première exposition des œuvres en budui hua du district de Yanchuan : 延川民间艺术布堆画作品展 au Musée des Beaux-arts du Shaanxi 陕西省美术馆. Cette exposition fut ensuite présentée à Pékin, Shanghaï, Canton, Hefei et Fuzhou.
A partir de cette période, les œuvres de Shanyun vont prendre un nouveau tournant : s’intéressant à l’artisanat populaire de Yanchuan, il va apprendre la technique du budui hua 布堆画 (tableau de tissus superposés). D’après Feng Shanyun, c’est le succès de l’exposition de Xi’an en 1982 qui l’a incité se tourner vers cet art populaire relativement ancien dans la région.
Cette technique est utilisée par les femmes durant l’hiver pour décorer et représenter des poupées porte-bonheurs, des figures propitiatoires, des scènes pour les mariages etc. Ces œuvres, parfois de grandes dimensions sont constituées de morceaux de tissus colorés, collés sur un fond sombre ou clair et cousus ensemble. Les motifs sont assez proches de ceux des papiers découpés de la région connus dans tout le pays.
Cette technique va prendre avec lui une expression très différente et personnelle. Loin d’imiter les motifs « traditionnels », il va reprendre les thèmes de ses gravures. Selon Feng Shanyun, son inspiration exclusive est la vie dans le monde des yaodong (habitats en voûte creusés ou construits) dans le monde paysan du Shaanbei. Tout est en rapport avec la conscience de l’existence particulière au milieu de la terre jaune omniprésente.
Ses œuvres sont présentées dans des périodiques nationaux et une première exposition personnelle fut organisée en 1995 au Musée des Beaux-arts de Pékin 中国美术馆. A cette occasion, le musée fit entrer dans ses collections permanentes, son tableau intitulé Huanghe 黄河 Fleuve Jaune, long de plus de trois mètres.
A partir de cette période, Feng Shanyun va se consacrer à sa production artistique en budui hua mais également en gravure. Ses œuvres ont été présentées dans de nombreuses expositions en Chine. Mais c’est la première fois qu’une exposition lui est consacrée en France.
Feng Shanyun est également très impliqué dans la valorisation de la culture et de l’art populaire du Shaanbei dont il va devenir un des promoteurs les plus importants. En 2002, il crée avec des amis l’Association pour le patrimoine culturel du Haut Plateau de Lœss 黄河高原生态文化发展保护协会 dont il est actuellement le président. Les activités de l’association sont assez diverses allant de l’organisation d’expositions temporaires ou de festivals d’art populaires à la création d’un centre d’activités artistiques dans le village de Xiaocheng 小程 pour permettre aux femmes artistes de se regrouper pour créer ensemble.
Le village de Xiaocheng a été déclaré « Village d’art populaire » 民间艺术村 en 2001 et la communauté villageoise élit régulièrement depuis 2002, un chef de village artistique 文化艺术村村长 pour s’occuper des activités culturelles des habitants.
Pour en savoir plus sur cette question, voir le colloque Figures d’association en Chine, 30-31 mars 2009 et les publications de Caroline Bodolec .
Stèle du village d’art populaire, Xiaocheng, district de Yanchuan, Shaanxi. ©bodolec
La grande réalisation de l’association est la création en 2004, du Musée d’art et traditions populaire de Nianpan Nianpan huanghe yuanshengtai minsu wenhua bowuguan 碾畔黄河原生态民俗文化博物馆. Ce musée est constitué de 28 cellules (kong孔) de yaodong et expose les objets de ce que les habitants aidés par l’association et Jin Zhilin reconnaissent comme représentatifs de leur culture populaire. Une bourse de la fondation Ford a permit son existence. Il reçoit actuellement des groupes scolaires et des touristes chinois et étrangers.
Vue générale du musée d’art et traditions populaires de Nianpan, district de Yanchuan, Shaanxi. ©bodolec